À 59 ans, j’ai fait ma deuxième crise de coeur. J’en ai 62 maintenant et je suis en pleine santé.
Après cette deuxième crise, on m’a posé un coeur mécanique, un «HeartMate», que je devais garder aussi longtemps qu’un coeur soit disponible pour une greffe.
À mon réveil, mettons que j’ai eu un choc, il y avait un ordi attaché à moi, des fils électriques. Et la capacité de pompage maximum du coeur était de 25%-30%. Je me demandais: est-ce que je vais rester comme ça toute ma vie?
Je vis à Senneterre en Abitibi, je suis célibataire. Je n’étais plus capable de monter les escaliers, je souffrais de manque d’oxygénation. J’ai deux petits enfants et une fille de 34 ans. Ça été un drame.
Je devais maintenant attendre un coeur. On voit ça à la télé, on pense que ça n’arrive qu’aux autres, mais là c’était autre chose.
Pour être éligible à une greffe de coeur, il y a toute une liste de conditions: avoir des reins, des poumons, le foie en santé, ne pas être atteint du cancer, ne pas fumer. Si un problème est détecté, il faut qu’il soit réglé pour pouvoir recevoir la greffe.
Les coeurs disponibles, il n’y en a pas beaucoup, donc ils ne peuvent pas le donner à une personne qui est susceptible de décéder d’autre chose que des éventuelles conséquences de la greffe.
Moi on m’a détecté des polypes aux intestins, il fallait qu’on m’enlève ça, puis mon nom a été sur la liste. Je fais 6 pieds, 180 livres, donc il fallait un donneur qui ait une morphologie à peu près similaire à la mienne, en plus d’être compatible avec mon groupe sanguin.
La problématique avec le fait d’habiter l’Abitibi est que pour me rendre à l’hôpital il faut que je prenne l’avion-ambulance qui se rend dans des territoires éloignés. J’ai fait deux fois le trajet. Mais pour une greffe de coeur ça n’aurait pas été possible: ça aurait mis trop longtemps.
Une fois qu’on reçoit l’appel, qui nous dit que le coeur est disponible, on a entre 4 et 6 heures pour se rendre sur place, à Montréal. Et moi j’habite à 6 heures de Montréal.
Alors j’ai intégré La Maison des greffés dans l’attente d’un appel. En plus, il faut souvent vérifier le coeur mécanique, c’est complexe et fragile, beaucoup de problématiques peuvent survenir.
J’y suis resté quatre mois. Au total, obtenir un coeur m’aura pris huit mois. Je n’avais pas peur, on passe si proche de la mort qu’ensuite chaque jour que l’on vit est un bonus. En plus, on est entourés, les médecins nous conseillent, on peut voir un psychologue, il y a des travailleurs sociaux…Ça nous aide à supporter l’attente.
Je me souviens très bien du jour de l’appel qui m’a informé qu’un coeur était disponible. C’est l’infirmière Mélanie qui m’a appelé, je m’en souviens… elle a une très belle voix… Elle était souriante pour m’annoncer la nouvelle: «on a un beau cas», elle a dit.
Ensuite, j’ai fait le tour de la Maison pour dire aux autres que je m’en allais à ma greffe. Vous savez, tous les gens ici sont dans la même situation alors il y a un esprit de camaraderie qui s’installe…
J’ai appelé ma fille aussi… Elle a fondu en larmes dans la rue. Après la greffe, elle est tout de suite venue à Montréal, en soins intensifs, c’était un grand moment de joie.
Une fois arrivé à l’Institut de cardiologie, ils ont fait les dernières prises de sang, ils te préparent, faut être prêt dès que le coeur arrive. Le plus gros a été d’enlever le coeur mécanique pour la transplantation. L’opération a duré 9 heures sans interruption.
Quand ils ont retiré le coeur mécanique, il a fallu attendre deux heures en pleine opération, car le coeur n’arrivait pas.
J’ai donc eu deux cardiologues car le premier est resté trop longtemps en état de concentration, il devait être remplacé.
Quand je me suis réveillé c’était moins pire que pour le coeur mécanique, là c’était juste les appareils de drainage, pas de fils.
Je n’ai pas voulu savoir qui était le donneur ou la donneuse, si il ou elle venait de l’Ontario, du Québec ou d’ailleurs, mais je sais que le coeur a 33 ans. J’avais peur que le savoir me tracasse, j’avais peur qu’il s’agisse d’une personne qui a des enfants. C’est plus psychologique qu’autre chose.
Pour moi, la greffe a été une libération. Je suis maintenant en pleine santé. Je joue au golf, au curling, je vais à la pêche, je suis mon régime de façon strict et j’écoute les consignes.
Je dois prendre des médicaments anti-rejet, suivre un régime serré, ne jamais boire de l’alcool, tout ce qui est susceptible de contenir des bactéries m’est interdit comme les sushis, les oeufs, mais ce n’est pas si pire.
Si j’avais un message à passer aux gens en attente de greffe, ce serait de toujours garder le moral, j’ai vu des gens qui se laissaient aller au désespoir et qui dépérissaient plus vite que les autres. Tout dépend de notre volonté, de notre persévérance. Je voudrais également rappeler à tous l’importance de signer sa carte de dons d’organes qui permet de sauver plusieurs vies.
Quand tu vis une épreuve de même, les plus petits détails de la vie prennent de l’importance.
Maintenant, quand je vais à la pêche, j’observe la nature autour de moi, le poisson, je porte attention à tout. Et je profite de chaque instant avec mes petits-enfants.
Je me dis que je vais bien et que la vie est belle!